« Depuis le début de mon installation, je produis tous mes plants. Mais je me rends compte que ça me prend pas mal de temps et qu’il y a quelques fois des ratés, ce qui pénalise ma production. Je me demande si je vais continuer à produire tous mes plants d’autant plus que mes 50m2 de pépinière ne sont pas suffisants. Tout est serré et ce n’est pas pratique pour circuler.
Avec le dérèglement climatique, je constate de plus en plus de coups de chauds imprévisibles qui font monter en flèche la température de la pépinière ! Ça demande beaucoup plus de surveillance et de temps dédié à l’arrosage.«
Avant de se lancer tête baissée dans l’installation d’une pépinière, il est vivement recommandé de se poser quelques questions pour bien la dimensionner et penser aux équipements nécessaires et à leur agencement.
Voici les points essentiels qu’il faut éclaircir avant toute création de pépinière.
- Est-ce que je vais produire tous mes plants ou non ? Qu’est-ce qui motive mon choix ? Si je ne produis pas tous mes plants, quelle proportion vais-je produire ? La réponse à cette question conditionnera la taille de la pépinière.
- Où vais-je installer cette pépinière ?
- Quel modèle de serre choisir ? Avec quelles ouvertures ?
- Quelles sont les différentes tâches que je devrai réaliser dans la pépinière ? Quels besoins matériels cela implique (combien de tables, de quels types, quelle hauteur de travail)
- Comment vais-je disposer mes différents postes de travail pour que ce soit fonctionnel, efficace et ergonomique ?
- Comment je prévois l’irrigation ?
- Et le sol, je le laisse nu ?
Réfléchissons étape par étape …
Produire ses plants ou les acheter ?
Chacun répondra à cette question en trouvant un équilibre entre les critères économiques, de temps passé, de charge mentale et de satisfaction personnelle.
Nous ne traiterons pas ici de l’achat de plants car c’est assez simple. Il suffit de bien programmer ses approvisionnements.
Produire ses plants offre des avantages :
- le contrôle de la qualité du plant,
- un plus grand choix variétal (encore que certaines petites entreprises de production de plants peuvent fournir les variétés souhaitées à la demande),
- une indépendance vis à vis d’entreprises productrices de plants et donc une certaine autonomie
- une plus grande flexibilité dans les périodes de plantation
- la réduction des coûts de production *
Produire ses plants présente aussi des inconvénients :
- temps important consacré à la pépinière à une période déjà chargée pour les maraîcher.e.s (d’avril à juillet)
- surveillance quotidienne particulièrement de mars à mi-mai pour gérer les variations de températures pouvant être importantes selon la couverture nuageuse, les risques de gelées et plus généralement presque toute l’année (sauf l’hiver) pour gérer les arrosages quasi-quotidiens
- risque de plants loupés induisant du retard lié, d’une part, au temps alloué à faire un semis de rattrapage, d’autre part, au délai pour obtenir les plants issus de ce semis de rattrapage et enfin à la possible nécessité de commander un nouveau lot de semences. A l’inverse, quand on achète ses plants, on est sûr d’en avoir la quantité nécessaire et en temps voulu.
* Une comparaison estimative du coût de plants de salades soit achetés, soit produits a été faite par les stagiaires du BPREA Maraîchage Bio du CFPPA de Coutances en 2023.
Acheté chez un producteur de plants, 1 plant de salade coûte 0,10€ HT.
Produire soi-même 1 plant de salade revient à 0,08€ HT (0,07€ HT pour une graine enrobée + 0,01€ HT de terreau). Ceci ne prend en compte ni l’investissement en plaques de semis ou motteuse et en infrastructure générale de la pépinière (amorties au bout d’un certain temps), ni le temps passé. Le risque de loupé total ou partiel n’est pas pris en compte non plus.
D’autres comparatifs pourraient être faits pour d’autres légumes.
Dimensionnement
Les choix stratégiques quant au rapport entre plants achetés et plants produits conditionneront le dimensionnement de la pépinière. Votre planning de semis vous sera d’un grand recours pour identifier les périodes où la quantité de plants sera la plus importante.
Soyez particulièrement vigilant aux grosses séries qui prennent beaucoup de place ponctuellement. Par exemple : séries de mâche sur plaques, semis d’oignons en mottes, tomates, aubergines, … ).
Au regard des fermes maraîchères locales, et pour produire 100 % de vos plants, on peut établir une moyenne de 80 à 90 m² de pépinière par hectare cultivé (plein champ et sous-abris confondus). Cette surface permet de circuler aisément et d’accueillir tous les plants si la succession est bien gérée.
Emplacement et sol
- La pépinière doit être facilement accessible en tracteur et autres véhicules pour réduire au maximum les trajets à pied lors du chargement des plants en vue de leur plantation au champ. Il est important de la positionner dans un lieu de passage stratégique pour faciliter un suivi régulier. Cela peut être près des tunnels de production ou près de l’atelier où sont stockés les outils.
- La pépinière sera bien exposée au soleil, sans ombre portée par des arbres et arbustes alentours.
- Elle doit être alimentée en eau et électricité.
- Le sol de la pépinière sera idéalement terrassé ce qui facilitera grandement la pose de tables de niveau, élément essentiel pour une humidification des mottes par trempage (voir le chapitre Irrigation).
- Laisser le sol nu présente 2 inconvénients majeurs.
- Si le sol est arrosé notablement lors de l’irrigation, les adventices pousseront.
- Le terreau tombant au sol lors des manutentions constitue un risque d’installation de la mouche du terreau, véritable fléau des pépinières, si celui-ci est reste humide constamment.
- Un sol bétonné rend la circulation de matériel roulant très confortable mais l’investissement en vaut-il la peine … ?
- Recouvrir le sol d’une toile tissée permet de nettoyer le sol régulièrement, limitant ainsi le risque de mouche du terreau. Choisissez une toile de grammage supérieur résistante aux passages réguliers. Veillez à ce qu’elle soit bien tendue et plaquée au sol car les plis peuvent être source de chutes.
Quelle serre choisir ?
Le choix entre serre tunnel ou serre à bords droits a peu d’importance si ce n’est un léger gain de place dans le cas d’une serre à bords droits.
En revanche, une bonne aération de la pépinière est primordiale surtout en période estivale ou même lors de beaux jours printaniers pour éviter la surchauffe.
Préférez donc des pignons basculants ou à bâche enroulable (et non une simple porte) ainsi qu’une demi-lune basculante pour une bonne évacuation de la chaleur.
Tables à plants et compagnie
Disposer les plaques de semis et caisses de plants sur des tables plutôt qu’au sol évite bien des désagréments dus aux limaces et rongeurs et préserve le dos !
Les tables et plans de travail seront de 3 types selon leurs usages :
- les tables à plants (simples, chauffantes ou de trempage)
- la table de remplissage et rempotage
- la table de semis
Les hauteurs et largeurs des tables sont des éléments essentiels à prendre en compte pour un travail ergonomique et efficace.
Hauteur
Afin de ménager son dos et ses membres supérieurs, le plan de travail devra être adapté à l’opérateur-trice et aux tâches qui y seront effectuées.
En outre, la zone optimale de préhension et de dépose des charges lourdes se situe entre 75cm et 100cm soit au niveau de la taille de l’opérateur.
Ainsi, selon ces recommandations, voici les hauteurs moyennes recommandées pour les différents plans de travail.
- Table de remplissage et de rempotage (travail lourd par la manipulation et le tassage du terreau, déplacement des plaques et caisses de mottes). Ce plan de travail devra se situer au niveau de l’entre-jambes soit entre 70 et 90 cm.
- Table de semis (travail de précision). Hauteur idéale située au niveau du coude soit entre 95 et 110 cm permettant de poser ses coudes et avant bras pour moins de pénibilité et plus de précision. Cette hauteur de travail permet aussi de rapprocher la zone de travail des yeux pour moins de fatigue oculaire lors du semis de petites graines.
- Tables à plants (travail de manutention assez lourd et régulier). La zone de préhension optimale se situe au niveau des hanches soit entre 85 et 95 cm.
Le meilleur repère est celui en rapport avec la morphologie de l’opérateur-trice (entre-jambes, hanches, coude).
Ayez toujours à l’esprit de pouvoir adapter facilement la hauteur des plans de travail à toutes les personnes travaillant sur la ferme.
Largeur
La distance maximale recommandée pour atteindre les objets sans flexion du buste est de 41,5 cm selon les recommandations de l’INRS (Institut National en Recherche et Sécurité). Cette valeur s’entend dans des conditions de gestes répétitifs. Dans le cas de gestes occasionnels, peu répétitifs et ne nécessitant pas le port ou la traction de charge lourdes, cette valeur maximale pourrait être portée 60 cm.
La largeur idéale pour un travail ergonomique peut se calculer ainsi.
Si les plaques alvéolées (ou caisses à mottes) utilisées mesurent 40x60cm, la table à plants peut mesurer entre 81,5cm (41,5+40) et 120cm (60+60) de large.
Elle peut être 2 fois plus large si on peut y accéder des 2 côtés. En revanche du fait de sa grande largeur, cela ne facilite pas toujours la pose d’arceaux assez longs et de voiles assez large pour protéger du froid.
Dans le cas de tables auto-construites, ces propositions de calculs sont à adapter pour optimiser l’espace utilisé des tables en fonction des dimensions des plaques et caisses de semis utilisées.
Généralement, les tables de cultures commercialisées mesurent 1 à 2 mètres de large.
- Les tables à plants simples peuvent être achetées (tables horticoles) mais aussi fabriquées simplement avec des planches et tréteaux, palettes, … Elles accueilleront les jeunes plants ne nécessitant pas de conditions particulières.
- Les tables chauffantes peuvent être des tables à plants simples auxquelles vous ajouterez une nappe chauffante ou un câble chauffant électrique. Elles sont indispensables pour la germination et le début de croissance des jeunes plants de tomates, aubergines, poivrons et piments, melons, courgettes, … en fin d’hiver où les températures sont encore insuffisantes.
Quelle surface de table chauffante ai-je besoin ?
La surface de table chauffante dépendra de la quantité de plants « frileux »
que vous aurez à produire et de votre microclimat local.
Si la table chauffante n’est utilisée que pour démarrer les semis, on peut établir une moyenne de 6m2/ha cultivé soit 5m2 pour la ferme de Régis.
Selin les conditions microclimatiques locales, il peut être bénéfiques de laisser les plants les plus exigeants en chaleur
En fonction des souhaits de précocité et/ou des conditions climatiques locales, il peut être nécessaire de laisser les plants les plus exigeants en chaleur sur la table chauffante jusqu’à leur plantation. Prévoyez alors en moyenne
15m2/ha cultivé soit 12m2 pour la ferme de Régis.
Avoir plusieurs tables chauffantes de tailles modestes plutôt qu’une grande permet plus de polyvalence et une meilleure adaptation aux besoins spécifiques de chaque légume.
- Les tables de trempage sont dotées de rebords permettant de contenir une lame d’eau. Les plants les plus gourmands en eau (courges, tomates, …) lors de chaudes périodes pourront y être disposées pour une irrigation par capillarité. Moins de stress hydrique des plants et moins de travail d’arrosage pour le maraîcher.
Contrairement aux tables à plants, tables de trempage et tables chauffantes sur lesquelles sont simplement entreposées des plaques de semis et caisses à mottes, les tables de remplissage et tables à semis sont des postes de travail sur lesquels les opérateurs peuvent rester longtemps statiques et doivent soit fournir un travail physique, soit faire preuve de concentration et précision. Il est donc important de soigner l’ergonomie de ce poste et de l’adapter aux différentes personnes qui en ont l’usage.
Hauteur recommandée des tables en fonction de la nature des travaux :
- Table à semis
Sa hauteur idéale se situe plus ou moins au niveau du coude du travailleur soit entre 95cm et 110cm, en prévoyant assez d’espace sur le plan de travail permettant de poser ses coudes et avant bras pour moins de pénibilité et plus de précision. Cette hauteur de travail permet aussi de rapprocher la zone de travail des yeux pour moins de fatigue oculaire lors du semis de petites graines.
- Table de remplissage
La hauteur de travail idéale pour cette tâche se situe entre 70 et 90cm selon les personnes. Poser des bordures sur une partie de la table permet de mettre plus de terreau sur la table sans qu’il tombe au sol.
L’arrosage
Arroser les plants est une tâche quotidienne représentant un temps de travail non négligeable. Bien penser l’organisation matérielle et spaciale de l’irrigation fera gagner quelques précieuses minutes chaque jour et du confort de travail.
Un raccordement à l’eau (réseau, forage, source ou mare avec ballon surprésseur) est évidemment indispensable.
Veiller à avoir une pomme d’arrosage produisant des jets fins et pas trop puissants pour ne pas faire raviner le terreau des plaques de semis. Un variateur de débit faisant partie intégrante de la pomme d’arrosage est vivement recommandé.
On voit souvent, par simplicité, le tuyau d’arrosage gisant au sol dans les pépinières. C’est pourtant une situation peu confortable car le tuyau constitue un obstacle aux outils roulants (brouettes, …) et forme souvent des boucles dans lesquelles on peut se prendre les pieds. Il faut le trainer pour atteindre toutes les zones de la pépinière à arroser. Il y a du frottement aux détours des tables. Bref, c’est source de pénibilité.
Il est préférable d’accrocher le tuyau en hauteur et, summum de la praticité, de le faire glisser sur toute la longueur de pépinière à l’aide d’un câble et de poulies. Tout le poids du tuyau est supporté par le câble. En fin d’arrosage, le tuyau peut être rassemblé à un bout de la serre. De cette manière, il ne fait jamais de nœuds.
Cependant, on ne peut déplacer le tuyau que de manière longitudinale. Ainsi, selon l’agencement de la serre, il peut être nécessaire d’installer 2 lignes de tuyau, chacune arrosant 1/2 serre dans la longueur.
Comme vu plus haut, les tables de trempage permettant une irrigation des plants par capillarité présentent plusieurs avantages :
- meilleure autonomie en eau des plants donc moins de stress hydrique
- gain de temps et réduction de la charge mentale considérables (en période chaude on peut passer de 2 arrosages par jour à 1 seul tous les 2 jours!).
- réhumidification de mottes dont le terreau aurait séché
Agencement et circulation
Voici quelques principes à prendre en compte pour penser la circulation et l’agencement de sa pépinière.
- Prévoir des passages suffisamment larges entre les tables pour pouvoir circuler aisément avec une brouette horticole. C’est une « perte de place » mais un gain considérable en efficacité et confort de travail.
- Eviter les tables trop longues qui obligent à faire de longs détours pour aller d’un côté à l’autre de la serre. Des tables de taille modeste ont aussi l’avantage de permettre la gestion de plusieurs microclimats.
- Favoriser des tables de largeurs homogènes. La disposition des plaques de semis sur les tables deviendra un automatisme sans se demander à chaque fois quelle combinaison sera la meilleure.
- Favoriser des allées en lignes droites avec le minimum de « crochets ». Vos genoux vous remercieront ! Ça facilitera aussi le déplacement du tuyau d’arrosage.
- Prévoir des espaces de rangements pratiques pour les plaques de semis et autres outils nécessaires dans la pépinière. Faites-en la liste pour prévoir l’espace au plus juste.
- Si vous faites le choix d’utiliser une motteuse, pensez qu’elle prendra une place importante et qu’elle sera fixe … car la déplacer à chaque utilisation n’est pas envisageable. Il faut donc assez d’espace autour pour circuler aisément.
- Bien qu’il est pratique de l’avoir sous la main, il n’est pas recommandé de stocker le terreau sous la serre. Sa place sera plutôt dans un endroit frais et ombragé.
- Comme dans tous travaux de manutention, le principe de la marche avant est de mise.
- Par où arrivera le terreau ? En fonction de cette donnée, placer de manière stratégique vos différents plans de travail dans l’ordre chronologique de travail (table de remplissage et/ou motteuse, table de semis, tables à plants).
Gestion climatique de la pépinière
Lors de belles journées ensoleillées, la pépinière peut atteindre des niveaux élevés de température. Alors que ça conviendra bien aux tomates, poivrons, aubergines, … les laitues et autres légumes feuilles en souffriront voire ne germeront pas.
Pour ces légumes appréciant peu la chaleur, il faudra prévoir :
- une bonne aération et évacuation de la chaleur par la présence de pignons entièrement ouvrables et des demi-lunes basculantes
- des tables à plants en extérieur
- des voiles d’ombrage à installer au-dessus des plants les plus sensibles à la chaleur pour limiter localement la température
A l’inverse, en fin d’hiver et printemps, de nombreux semis doivent être mis en route et ont besoin de chaleur constante pour germer et se développer. La table chauffante remplira ce rôle mais il faudra aussi prévoir des arceaux sur les tables à plants pour une installation rapide des voiles de protection contre le froid.
Comme indiqué dans la rubrique « Tables à plants et compagnie », plutôt que de grandes tables, plusieurs tables de tailles modestes permettront une gestion différenciée de plusieurs microclimats adaptés aux besoins spécifiques de chaque légume.
Automatisation de tâches dans la pépinière
Les deux principales tâches récurrentes de suivi de la pépinière sont l’arrosage ainsi que l’ouverture et la fermeture des portes et pignons pour gérer la température.
Leur automatisation représente un gain de temps et un allègement de la charge mentale très appréciables !
Voici quelques équipements permettant l’automatisation.
Le panneau de commande générale comporte l’alimentation électrique, les disjoncteurs, le thermostat commandant l’ouverture
et la fermeture du pignon et la programmation de l’arrosage en aspersion.
Sous contrôle du programmateur, l’électrovanne déclenche et stoppe l’aspersion automatiquement.
Sous contrôle du thermostat présent sur le tableau de commande générale, le moteur enroule ou déroule la bâche du pignon.
Attention. Cette automatisation ne doit pas faire oublier la pépinière. Bien que c’est un gain de temps, un suivi quotidien reste nécessaire pour contrôler l’état sanitaire des plants et le degrés d’humidité des mottes. En fonction des observations, un re-paramétrage de l’arrosage et de l’ouverture de la pépinière pourra être effectué.