Produire ses plants ou les acheter ?
Chacun répondra à cette question en trouvant un équilibre entre les critères économiques, de temps passé, de charge mentale et de satisfaction personnelle.
Nous ne traiterons pas ici de l’achat de plants car c’est assez simple. Il suffit de bien programmer ses approvisionnements.
Produire ses plants offre des avantages :
- le contrôle de la qualité du plant,
- un plus grand choix variétal (encore que certaines petites entreprises de production de plants peuvent fournir les variétés souhaitées à la demande),
- une indépendance vis à vis d’entreprises productrices de plants et donc une certaine autonomie
- une plus grande flexibilité dans les périodes de plantation
- la réduction des coûts de production *
Produire ses plants présente aussi des inconvénients :
- temps important consacré à la pépinière à une période déjà chargée pour les maraîcher.e.s (d’avril à juillet)
- surveillance quotidienne particulièrement de mars à mi-mai pour gérer les variations de températures pouvant être importantes selon la couverture nuageuse, les risques de gelées et plus généralement presque toute l’année (sauf l’hiver) pour gérer les arrosages quasi-quotidiens
- risque de plants loupés induisant du retard lié, d’une part, au temps alloué à faire un semis de rattrapage, d’autre part, au délai pour obtenir les plants issus de ce semis de rattrapage et enfin à la possible nécessité de commander un nouveau lot de semences. A l’inverse, quand on achète ses plants, on est sûr d’en avoir la quantité nécessaire et en temps voulu.
* Une comparaison estimative du coût de plants de salades soit achetés, soit produits a été faite par les stagiaires du BPREA Maraîchage Bio du CFPPA de Coutances en 2023.
Acheté chez un producteur de plants, 1 plant de salade coûte 0,10€ HT.
Produire soi-même 1 plant de salade revient à 0,08€ HT (0,07€ HT pour une graine enrobée + 0,01€ HT de terreau). Ceci ne prend en compte ni l’investissement en plaques de semis ou motteuse et en infrastructure générale de la pépinière (amorties au bout d’un certain temps), ni le temps passé. Le risque de loupé total ou partiel n’est pas pris en compte non plus.
D’autres comparatifs pourraient être faits pour d’autres légumes.
Créer sa pépinière
Lorsque l’on débute sa pépinière, plusieurs choses sont à prendre en compte.
- La pépinière doit être facilement accessible pour permettre un suivi régulier des plants. Il est important de la positionner dans un lieu de passage stratégique. Cela peut être près des tunnels de production ou près de l’atelier où sont stockés les outils.
- La pépinière est idéalement terrassée, bien exposée au soleil et peut être aérée facilement (demi-lune basculante et/ou pignon relevable entièrement et non une simple porte).
- Elle doit être alimentée en eau et électricité.
- Il est également important de bien dimensionner sa pépinière. Dans le cas de notre exploitation fictive (8000 m2 de plein champ et 1000 m2 de serres), une surface de 100 m2 est suffisante pour accueillir le matériel de semis (plaques, sac de terreau, etc), les tables ainsi que les nappes chauffantes (dans notre exemple, 4 m2 de nappes suffisent). Il vaut mieux surdimensionner que sous-dimensionner la pépinière.
- Commencer par une gamme restreinte de plants en se concentrant sur les plus faciles à produire. Les plants achetés peuvent être ceux les moins simples à produire et ceux de début de saison.
- Penser à une pépinière partagée si le contexte s’y prête pour mutualiser les frais et réduire la charge mentale.
La pépinière doit être équipées de tables pour travailler à hauteur et mettre les plants hors de portée des ravageurs.
Ces tables sont de 3 types selon leurs usages :
– les tables à plants (simples, chauffantes ou de trempage)
– la table de remplissage et rempotage
– la table de semis
Tables à plants simples
Les tables à plants, appelées aussi tables de cultures ou tables horticoles, servent à disposer les plaques alvéolées ou caisses à mottes dans lesquelles les semis germeront et les plants se développeront jusqu’à leur plantation.
Au-delà de leur simple fonction d’entreposage, elles peuvent être équipées d’un système de chauffage et/ou aménagées pour le trempage des plants.
Tables à plants chauffantes
Les tables chauffantes sont indispensables pour la germination et le début de croissance des jeunes plants de tomates, aubergines, poivrons et piments, melons, courgettes, … en fin d’hiver où les températures sont encore insuffisantes. Les voils thermiques ne sont pas toujours suffisants pour maintenir ces cultures fragiles hors gel. Les tables chauffantes sont alors d’un grand recourt.
Le principe est simple. Il s’agit d’un câble chauffant placé sur une table à plants. Le fonctionnement est électrique.
Il existe deux systèmes : la nappe chauffante et le câble chauffant.
Tables de trempage
A une période où l’évapotranspiration est importante, il est parfois nécessaire d’arroser la pépinière 2 fois par jour ce qui représente un temps non négligeable qui ne peut pas être alloué à d’autres travaux.
Malgré ces arrosages ou en cas d’oubli, de manque de temps, il arrive que le terreau de plaques de semis ou de godets sèche. Il est alors difficile voire impossible de le ré-humidifier par simple arrosage. Les plants en paient le prix cher … et le maraîcher aussi !
Les tables de trempage sont conçues pour pouvoir contenir une lame d’eau permettant ainsi une meilleure autonomie en eau des plants.
Contrairement aux tables à plants, tables de trempage et tables chauffantes sur lesquelles sont simplement entreposées des plaques de semis et caisses à mottes, les tables de remplissage et tables à semis sont des postes de travail sur lesquels les opérateurs peuvent rester longtemps statiques et doivent soit fournir un travail physique, soit faire preuve de concentration et précision. Il est donc important de soigner l’ergonomie de ce poste et de l’adapter aux différentes personnes qui en ont l’usage.
Hauteur recommandée des tables en fonction de la nature des travaux :
La table de remplissage
Une table dédiée au remplissage des plaques alvéolées et godets est une bonne chose.
La hauteur de travail idéale pour cette tâche (tassage efficace et pas trop pénible des mottes) se situe entre 70 et 90cm selon les personnes.
Poser des bordures (10cm de haut sont suffisants) sur une partie de la table permet de mettre plus de terreau sur la table sans qu’il tombe au sol. Moins de vigilance apportée au soin de ne pas faire tomber de terreau au sol, c’est un esprit plus libre et plus d’efficacité dans le remplissage des plaques de semis.
Attention. Poser des bordures sur tout le périmètre de la table serait gênant pour le remplissage des plaques.
La table à semis
Une table peut être dédiée aux semis. Sa hauteur idéale se situe plus ou moins au niveau du coude du travailleur soit entre 95cm et 110cm, en prévoyant assez d’espace sur le plan de travail permettant de poser ses coudes et avant bras pour moins de pénibilité et plus de précision. Cette hauteur de travail permet aussi de rapprocher la zone de travail des yeux pour moins de fatigue oculaire lors du semis de petites graines.
Arceaux et voiles
Les voiles sont indispensables pour protéger les plants du gel et créer un micro-climat supérieur à la température ambiante. Les voiles, s’ils sont posés directement sur les plants, coucheraient et abimeraient ceux-ci et n’auraient pas l’effet thermique souhaité. La pose d’arceaux est nécessaire pour créer un volume d’air chaud autour des plants.
La méthode d’installation des arceaux est à penser dès la conception des tables.
Plaques alvéolées ou motteuse ?
Une étude comparative (téléchargeable ci-dessous CR d’essai de 2020-2021) a été faite entre le remplissage manuel de plaques alvéolées et la réalisation de mottes à la motteuse.
En voici une synthèse :
Motteuse + plateaux à mottes | Plaques alvéolées à 77 trous | |
Temps de réalisation de 1000 mottes | 28 minutes * | 15 minutes |
Pénibilité Les % indiquent la proportion du temps de travail dans des situations non recommandées et/ou pénalisantes | Majoritairement acceptable Sauf Port de charges : 20 % Epaules : 20 % | Plus de situations non recommandées Port de charges : 20 % Poignets : 45 % Epaules : 60 % Dos : 50 % |
Investissement | 4850€ d’occasion + éventuellement 4500€ pour un semoir pneumatique neuf ** | 545€ neuves |
Consommation en terreau (les chiffres indiquent un rapport comparatif) | 1,4 | 1 |
Réserve hydrique et nutritive des mottes | Bonne – meilleure levée – plants plus résistants – arrosages moins fréquents – possibilité de différer la plantation | Moins bonne |
Nécessité de démotter lors de la plantation | Non = gain de temps | Oui |
* : Ces 28 minutes s’expliquent par le temps consacré à la préparation de la motteuse (installer les moules adaptés à la taille de mottes souhaitées) et à son nettoyage. L’utilisation de la motteuse n’est intéressante que pour les grosses séries.
** : Le semoir pneumatique sème les graines au fur et à mesure que les mottes sont pressées ce qui représente un gain de temps conséquent. Il a été estimé que son achat est avantageux à partir de 53 500 plants réalisés par an.
Emietteur de terreau
En sortant du sac, le terreau forme des blocs qu’il convient d’émietter pour obtenir un résultat souple et homogène. Le faire à la main demande du temps et des efforts supplémentaires.
Sur la base de modèles existants, un émietteur a été conçu à Biopousses.
Cette opération devient bien moins pénible, plus rapide et permet de remplir les plaques directement sous l’émietteur sans devoir le faire poignée par poignée.
L’émietteur ayant été placé sur la table de remplissage, les plaques sont travaillées à hauteur satisfaisante. En revanche, le chargement du terreau se faisant par le haut, il faut un escabeau pour atteindre le réservoir.
Son utilisation est donc à parfaire notamment en l’intégrant dans une chaîne de travail plus ergonomique.
Semoir à mâche
Une technique de culture de la mâche consiste à la semer en plaques en pépinière, puis, dès qu’elle est au stade 2 feuilles, à poser ces plaques sur un sol bien nivelé de manière à ce que la culture s’enracine facilement. Cela présente l’avantage de densifier considérablement la culture et de n’avoir aucun désherbage à affectuer. Les pieds de mâche récoltés sont plus petits mais le rendement est beaucoup plus important du fait de la densité.
Une plantation dense des mottes de mâche associée à une occultation préliminaire du sol limite le désherbage et permet d’obtenir un bon rendement également.
En tout état de cause, pour avoir une récolte continue de mâche, il faut faire des semis régulièrement (toutes les 1 à 2 semaines). C’est un travail fastidieux qui s’ajoute aux autres semis de verdures en hiver.
L’utilisation du « semoir à tiroir » est un gain de temps considérable. Il permet de déposer 1 ou plusieurs graine(s) dans chaque alvéole de la plaque en un clin d’œil.
Pépinière de poireaux
Bien des maraîchers préfèrent acheter des plants de poireaux plutôt que de les produire.
Pour une ferme à 1 UTH, il faut compter 5000 à 6000 plants pour l’année, une quantité importante à produire mais aussi un coût non négligeable s’ils sont achetés.
La production peut être délicate car les graines sont en général assez lentes à germer et la croissance n’est pas plus rapide dans les premières semaines.
Les adventices peuvent rapidement prendre le dessus sur les frêles plants de poireaux. Dans ce cas, le travail de désherbage est fastidieux, chronophage et pèse sur le moral.
Certains feront donc le choix d’acheter des plants, d’autres de les produire.
La principale contrainte demeurant le désherbage, une occultation hivernale ou semer la pépinière de poireaux sur terreau ou sur compost limite grandement le désherbage.
Le voile thermique P19 hâte la germination et le développement des plants et constitue aussi une barrière contre la mouche du poireau et les criocères.
Une fiche technique sera prochainement téléchargeable ici.
Halte aux rongeurs !
Les rongeurs (mulots principalement) raffolent des graines et des jeunes pousses.
Il est impératif ne leur rendre l’accès impossible aux semis et jeunes plants.
Ne les sous-estimez jamais ! Ils grimpent avec beaucoup d’aisance à la verticale sur tous les supports rugueux (bois, pierre, béton brut, …).
Ainsi, tous les pieds de tables commercialisées sont généralement en aluminium.
Pour les tables auto-construites, si vous trouvez des piètements d’occasion en métal, c’est l’idéal. Les rongeurs ne pourront pas y grimper et ça ne pourrit pas.
Si les pieds sont en bois, les isoler de l’humidité du sol par des parpaings par exemple ou de simples dalles béton.
En ce qui concerne les rongeurs, 3 solutions s’offrent à vous.